Mathias fêtera ses neuf ans
demain. Du moins, il espère. Car aujourd'hui, il a froid. Plus que d'habitude.
Nicole et Philippe ont d'abord
refusé de regarder les choses en face. Mais la santé de leur fils unique, ce
petit bonhomme taquin et joueur, toujours de bonne humeur, s'est rapidement
dégradée.
Lors de l'examen hebdomadaire,
ce matin, le médecin les a fait asseoir pour leur dire qu'il était désolé, mais
qu'il n'avait pas de bonnes nouvelles, que les analyses étaient alarmantes et qu'aucun
traitement ne pourrait permettre à Mathias de guérir. Il a même prononcé le mot
« incurable », et a pris la peine de préciser que plusieurs
chercheurs avaient commencé à s'intéresser à cette maladie rare, mais qu'il ne
fallait pas trop compter là-dessus. « Nous n'avons pas le temps »,
a-t-il clairement dit, en jetant un œil sur Mathias, couché juste à côté. Car,
oui, Mathias est malade, a insisté le médecin en fixant Nicole et Philippe un à
un dans les yeux, et oui, il va mourir. Il a prévenu que cela pouvait arriver
dans un an, dans six mois, ou même demain, et que la seule chose à faire,
plutôt que de s'apitoyer, c'était de lui donner de l'amour et de soulager sa
douleur par de la douceur.
Les yeux embués, Nicole est
restée figée devant le diplôme du spécialiste accroché sur le mur blanc
derrière lui. Philippe, lui, n'a pas dit un mot. Il s'est levé, et a quitté la
pièce en claquant la porte. Mathias s'est contenté de penser à demain, quand il
soufflerait ses neuf bougies sur une grosse charlotte aux fraises, comme maman
et papa lui ont promis.
Derrière l'ambulance qui
ramenait l'enfant chez lui, les parents du petit garçon n'ont pas échangé un
mot de toute la route. En sortant de la voiture, la main sur la portière
entrouverte, Nicole a dévisagé son mari de longues secondes avec sévérité. La mine basse, elle a fini par esquisser un sourire nerveux, puis elle a rejoint à la hâte Mathias
dans le garage, où les infirmiers s'affairaient à réinstaller le lit
médicalisé.
Philippe est resté un moment au
volant de la voiture, le visage fermé. Il a pris une grande respiration avant de se diriger vers la porte d'entrée, les mains dans les poches, et les yeux
dans le vague. Il est monté à l'étage, et s'est enfermé dans la salle de bain
en attendant que les ambulanciers soient partis. Il en est ressorti le visage
détendu. Il a descendu les marches très calmement, est entré sans faire de
bruit dans la « chambre » de son fils, a souri à sa femme, a souri à
Mathias, et les a abattus tous les deux d'une balle dans la tête.
5 commentaires:
Très émouvant.
Faufau
Dûr dûr!
Maman
Le lecteur est aussi virtuel que les pensees
Thierry
Et si les medecins c'etaient trompes ?
Thierry
@Thierry: j'aime laisser au lecteur un peu de liberté... et j'aime bien cette question aussi, qui ajoute au drame, la tragédie...
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