26 août 2012

charlotte aux fraises

   Mathias fêtera ses neuf ans demain. Du moins, il espère. Car aujourd'hui, il a froid. Plus que d'habitude.
   Nicole et Philippe ont d'abord refusé de regarder les choses en face. Mais la santé de leur fils unique, ce petit bonhomme taquin et joueur, toujours de bonne humeur, s'est rapidement dégradée.
   Lors de l'examen hebdomadaire, ce matin, le médecin les a fait asseoir pour leur dire qu'il était désolé, mais qu'il n'avait pas de bonnes nouvelles, que les analyses étaient alarmantes et qu'aucun traitement ne pourrait permettre à Mathias de guérir. Il a même prononcé le mot « incurable », et a pris la peine de préciser que plusieurs chercheurs avaient commencé à s'intéresser à cette maladie rare, mais qu'il ne fallait pas trop compter là-dessus. « Nous n'avons pas le temps », a-t-il clairement dit, en jetant un œil sur Mathias, couché juste à côté. Car, oui, Mathias est malade, a insisté le médecin en fixant Nicole et Philippe un à un dans les yeux, et oui, il va mourir. Il a prévenu que cela pouvait arriver dans un an, dans six mois, ou même demain, et que la seule chose à faire, plutôt que de s'apitoyer, c'était de lui donner de l'amour et de soulager sa douleur par de la douceur.
   Les yeux embués, Nicole est restée figée devant le diplôme du spécialiste accroché sur le mur blanc derrière lui. Philippe, lui, n'a pas dit un mot. Il s'est levé, et a quitté la pièce en claquant la porte. Mathias s'est contenté de penser à demain, quand il soufflerait ses neuf bougies sur une grosse charlotte aux fraises, comme maman et papa lui ont promis.
   Derrière l'ambulance qui ramenait l'enfant chez lui, les parents du petit garçon n'ont pas échangé un mot de toute la route. En sortant de la voiture, la main sur la portière entrouverte, Nicole a dévisagé son mari de longues secondes avec sévérité. La mine basse, elle a fini par esquisser un sourire nerveux, puis elle a rejoint à la hâte Mathias dans le garage, où les infirmiers s'affairaient à réinstaller le lit médicalisé.
   Philippe est resté un moment au volant de la voiture, le visage fermé. Il a pris une grande respiration avant de se diriger vers la porte d'entrée, les mains dans les poches, et les yeux dans le vague. Il est monté à l'étage, et s'est enfermé dans la salle de bain en attendant que les ambulanciers soient partis. Il en est ressorti le visage détendu. Il a descendu les marches très calmement, est entré sans faire de bruit dans la « chambre » de son fils, a souri à sa femme, a souri à Mathias, et les a abattus tous les deux d'une balle dans la tête.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Très émouvant.


Faufau

Anonyme a dit…

Dûr dûr!
Maman

Anonyme a dit…

Le lecteur est aussi virtuel que les pensees
Thierry

Anonyme a dit…

Et si les medecins c'etaient trompes ?
Thierry

... nicO a dit…

@Thierry: j'aime laisser au lecteur un peu de liberté... et j'aime bien cette question aussi, qui ajoute au drame, la tragédie...